| ACCUEIL | Écriture | Les articles | Rencontres | Bio Talri aka Titi banlieusard |

Rencontres

Bio Talri aka Titi banlieusard

En avril 2019, à l’occasion de la sortie de son premier album solo "Chanson HIP-HOP populaire", le rappeur Talri aka Titi Banlieusard m’a demandé de lui écrire sa biographie.

Photo © Fabe Collage.

Ce premier album solo de Talri puise ses racines dans la culture populaire, celle des titis parisiens, dans la lignée des Brassens, Gainsbourg, Coluche. Coluche surtout. « C’est l’histoire d’un mec… » Là, c’est l’histoire d’un titi parisien, devenu titi banlieusard aujourd’hui, car Paris n’a plus grand-chose de populaire, et Talri, lui, se revendique de cette culture « hip-hop pulaire », comme il titre son album. Une culture disparue de Paris intra-muros, mais bien vivante tout autour, notamment dans le 93.

9-3. Deux chiffres qu’il connaît bien, qu’il revendique même, comme un second cœur qui bat en lui. Deux chiffres qui ont fait de lui ce qu’il est, sa fierté, lui qui est né à Drancy quelque part dans les années 80 et qui y a passé toutes ses années d’enfance et d’adolescence, d’abord au milieu des champs maraîchers, puis entre béton et asphalte.

Lui est blanc. Enfant, il morfle moins que les autres. Pourtant c’est un Rital, un petit-fils d’émigré italien exilé en 29. Mais la France a digéré cette immigration-là. Il ne vit pas le racisme, mais il en est témoin au contact de ses potes. Car Talri aka Titi banlieusard porte en lui les blessures du peuple.

Il y a le béton et puis, de temps en temps, une bouffée d’air frais, d’embruns de bord de mer, auprès de ses racines paternelles. Escapades vendéennes, le temps de se ressourcer, de se recueillir aussi. Car le père, absent du foyer depuis 91, est parti en 2005, mais là, définitivement.

Tout jeune, il baigne dans la culture musicale de ses parents. Il entre au Conservatoire de Drancy mais ne finira pas l’année, beaucoup trop scolaire à son goût ! Pourtant c’est bien « du son qui coule dans ses veines, en BPM ».

La deuxième bascule dans la musique a lieu en 95. Année riche. Il se mange coup sur coup « Paris sous les bombes » de NTM, « La Haine » de Mathieu Kassovitz. La vague le soulève. Il a 12 ans. Comme ses potes du collège, il baigne dans le rap, dans le graffiti, dans le hip-hop. 

Il commence à écrire, à rapper dans les booms, à « se mettre à la discipline ». Ce n’est pas son coup d’essai en fait : un an plus tôt, alors qu’il n’a que 11 ans, son arrière-grand-mère italienne qu’il a bien connue et beaucoup aimée meurt à… 93 ans. Le jour de son enterrement, il lit un texte qu’il a écrit pour lui rendre hommage. L’écriture, déjà…C’est l’époque des walkmans et des cassettes. Celle d’Ärsenik, « Quelques Gouttes Suffisent », lui met une « grosse claque ». Il s’inscrira plus tard dans cette lignée des rappeurs à texte.

Et puis Talri grandit, les CD arrivent et on se met à graver. Grave. En 2000, il produit son premier son, avec un pote. Il est en 2e. Ses combats vont inspirer sa musique d’alors.Au lycée il remporte un concours de rap. Ce n’est pourtant pas un « grand », mais il a quelque chose en plus. Le concours lui rapporte et il se dit avec son pote qu’au fond, ils peuvent gagner leur vie en rappant. Ils gravent 5, 6 titres qu’ils filent à leurs potes. Ça commence à tourner… jusqu’en Vendée !

Ainsi naît leur premier groupe « Rafale2bal ». Talri veut nettoyer le rap à coups de micro-tueurs, flinguer la musique qui pollue les oreilles, donner du beau son, de belles paroles, du sens, et marteler cette idée : le rap c’est d’abord de la musique. 
Mais dans l’humour, en parodiant les codes des clips de l’époque. 

Ils rencontrent des passionnés de Bobigny et de Lyon. De connexion en connexion, de 2 ils passent à 12. « Rafale2plomb » naît et sort « Verbal Homicide vol 1 » en 2007. Un « vol 2 » suit en 2011 qui est distribué nationalement. Du plomb dans le crâne ! Du son hardcore et sensé. Avec un court métrage très pro qui marque les esprits.Et intrigue. C’est qui ? Ils sont combien ? Ils ont trouvé les moyens où ?...

L’aventure du collectif n’ira pas plus loin ; il en retire une formation accélérée à l’autoproduction et à l’indépendance qui lui serviront pour mener à bien ses futurs projets.

On est en 2011. La vie aspire Talri. Il arrête « Rafale2plomb ». Depuis 2003, il a un métier. En artisan de la précision, il ajuste les métaux, précieux ou non. Dans l’automobile, puis dans des maisons françaises du luxe. Il s’éloigne un peu du monde de la musique. Il se consacre à son « taf », à sa famille, à son gîte et à son couvert. Il crée sa propre base, mais toujours dans le 93.

Et puis en 2015 la musique vient le rechercher dans son nid et le remet sur ses rails, sur sa ligne de kif. Il se retrouve « par hasard » dans un studio et de nouveau c’est le déclic.

Il sort alors « La ligne 5 » qu’il avait écrit en 2008. Il l’enregistre en solo. Il y voit une belle manière de tirer sa révérence en rendant hommage à cette ligne qui jette un pont entre des univers désormais opposés. Il n’a pas de projet particulier, juste l’envie de kiffer et transmettre sa passion.

C’est à cette occasion qu’il rencontre son clone. Un jumeau, un autre lui-même, aussi habile à manier l’image qu’il l’est à manier le son. C’est Spike Louche, son réalisateur fétiche. Né comme lui dans les rames de la ligne 5. Le clip et le morceau sortent en septembre 2016. 

Talri mobilise alors sa force de frappe de communication : il inonde de flyers les réseaux sociaux et le réseau ferré ! Le clip est très vu et rencontre un beau succès. Et de nouveau on se pose des questions : Talri ? C’est qui ? Il sort d’où ? Du coup, ce qui devait être une fin marque un redémarrage.

L’ « inspi » lui vient pour un nouvel album, justement sur le Paris populaire d’autrefois, de la Commune et des luttes sociales, le Paris ancien qu’il aime, ses concerts de rues, ses petits bals populaires ; il veut faire revivre les vinyles qui crépitent, les voix si singulières des archives de l’INA, mélanger ces ambiances au hip-hop qu’il affectionne, celui qui groove, qui fait « boombap », qui raconte des histoires.... Il se met au travail et en attendant, il sort « Racines » avec Degy, un hommage à Wu-Tang, un groupe de hip-hop américain attaché à transmettre des valeurs aux enfants. Son titre connaît un bon accueil dans l’underground parisien et se diffuse hors des frontières, notamment au Brésil, au Japon et aux USA.

Cette parenthèse refermée, il se consacre à son nouvel album de « chansons hip hopulaires ». C’est l’occasion d’une collaboration à Concarneau avec Raan, membre du Tamahagané beats, chez qui il part deux semaines confectionner sa galette, qui sera donc un peu bretonne... Ainsi naissent 12 morceaux pour raconter « l’histoire d’un mec »… 

Un retour aux sources. La nostalgie d’un Paris qui n’est plus, d’artistes qui ne sont plus. L’hommage d’un enfant de la banlieue à la culture populaire de son pays. Presque à contre temps. Homme de musique avant tout et de « maux de tête ». Homme de lutte, de rébellion. Bâtisseur de ponts entre des mondes qui s’ignorent. Talri nous parle de gens et d’une époque que les moins de vingt ans… histoire sûrement de les maintenir dans notre mémoire, encore un peu. Parler d’hier, de ses images en noir-et-blanc, de ses solidarités, de ses nostalgies — mais avec les sons, les mots et sur les sillons d’aujourd’hui.


Cet article vous a plu ? Partagez-le sur Facebook :

Retour aux sources !

Pour répondre aux nouveaux usages d’Internet, j’ai décidé d’enregistrer des versions sonores de mes différents textes, que ce soit les articles de mon blog ou mes écrits littéraires : nouvelles, romans, récits et documents.

Je me suis en effet rendu compte que la navigation sur Internet se fait désormais avec les smartphones, et lire un texte sur un petit écran n’est pas facile. Et puis la lecture a de moins en moins la cote alors que les "audiobooks" commencent à bien fonctionner...

Cette initiative, qui va me permettre d’élargir mon public, est comme un retour aux sources. Devant mon micro et mon ordinateur, je ne peux m’empêcher de penser à l’époque où j’enregistrais avec mon frère mes "scénarios radiophoniques" sur le magnétophone Grundig que m’avait acheté mon père. J’avais alors 12 ans...! Voir Premiers écrits.

Les techniques ont bien changé depuis, mais c’est un peu du pareil au même !

Visitez le blog
couverture
  • Ces vies dont nous sommes faits

  • Le récit de l’aventure qui m'a conduit à partir de 1987 de la découverte de mes vies antérieures à l’univers de la boxe pieds-poings et des cités de banlieue.

  • Acheter
  • En savoir plus