C’est le point de départ d’une aventure incroyable qui va me conduire à explorer de plus en plus profondément le domaine des vies antérieures. Une série de « hasards » m’ouvre des portes. C’est d’abord une voyante qui m’indique quelles ont été mes vies antérieures. Puis c’est la rencontre avec des personnes qui m’enseignent des techniques de « régression » dans les vies antérieures par la visualisation des couleurs.
Toutes ces découvertes sont très troublantes. Non seulement je retrouve très précisément la vie où j’ai connu Isabelle, mais je comprends mieux d’où viennent la plupart des thèmes que j’ai abordés dans mes nouvelles et mes romans. Je découvre ainsi à quel point des réminiscences de mes vies antérieures imprègnent mes écrits, notamment un roman écrit en 1981, La Partition de Morgenstein, dont l’action se situe au XIXe siècle. J’en arrive à la conclusion qu’il a été « dicté » par Gérard de Nerval et qu’il emprunte de nombreux aspects à la vie de Camille Desmoulins et à d’autres incarnations. Plus troublant encore, ce roman m’apparaît comme prémonitoire et annonce dans les moindres détails l’aventure que je vais vivre.
Il m’arrive même de découvrir ce qui s’est passé autrefois — au Moyen- Âge, à Pompéi, etc. — avec des amis actuels. Je peux expliquer leur attitude, je peux décoder mon sentiment de culpabilité à l’égard de certains d’entre eux. Mes découvertes corroborent d’ailleurs leurs propres intuitions ! Je procède ainsi à un nettoyage des émotions négatives liées à ces amitiés.
Dans le même temps, les méditations développent ma médiumnité et d’autres capacités paranormales. Je pressens les événements, je guéris les petits bobos de mes amis par magnétisme, je sens la présence des esprits qui hantent mon appartement, j’éprouve des sensations très particulières en pénétrant dans certains lieux où j’ai eu des vies antérieures.
Tout cela transforme mon regard sur la mort et sur les relations que nous entretenons avec notre entourage. Mais je sens bien que cette exploration des mondes invisibles est en train de provoquer en moi une transformation très profonde. Jeune cadre de production à la télévision, je ressens de plus en plus la nécessité de changer de vie, d’aller vers l’essentiel, loin des paillettes des plateaux de télévision. J’effectue un grand nettoyage, je jette tous les objets de mon passé, je donne les autres à Emmaüs ! Je quitte mon duplex de 120 m2 pour un minuscule studio de 13 m2.
Au cours de cette année sabbatique où je me débarrasse de mon ancienne enveloppe, je découvre Jung, qui m’aide à décrypter les phénomènes de l’inconscient qui sont à l’œuvre en moi. Je procède à une sorte d’auto-analyse et cherche des réponses à mes questions en interrogeant le réel et en comprenant le sens des symboles que j’y découvre, parfois au détour d’une rue, sur la devanture d’une boutique !
Ma renaissance vient par le sport. J’écris en 1991 une série pour France 2 sur le football, GOAL. Pour moi qui n’ai jamais été sportif, c’est la découverte de tout un univers, à l’opposé de celui des vies antérieures et des autres expériences paranormales qui ont marqué les récentes années de ma vie. La série a du succès et je deviens scénariste spécialisé dans la jeunesse. La chaîne commande une suite à GOAL. Elle doit se dérouler en banlieue et s’appuyer sur le phénomène des « Grands frères ». Je décide alors de contacter un champion du monde de full-contact très médiatique, Khalid El Quandili. Il a créé à Meaux une association Sport Insertion Jeunes pour permettre aux jeunes de s’intégrer en s’appuyant sur les valeurs du sport.
Mais les circonstances dans lesquelles il m’est apparu à la télévision sont si troublantes, que je décide de lui proposer d’écrire un livre sur sa vie. Je pressens que je dois lui transmettre une information qui lui manque et qui l’empêche d’évoluer dans sa vie. Les débuts de notre relation sont difficiles. Certes, je participe peu à peu aux activités de son association, comme les « Nuits des Trophées » que François Mitterrand présidera deux années de suite et au cours desquelles l’association valorise l’action de « Grands frères » des cités. Je travaille aussi sur une opération « Ciné-Quartier » menée avec Isabelle Giordano pour permettre aux jeunes de vivre avec leurs parents une expérience commune autour de la projection de films récents. Mais notre projet n’avance pas.
Une « voix » intérieure, pourtant, me dit un jour de persévérer car Khalid va me proposer quelque chose. Effectivement, Khalid se décide enfin en février 1993 à parler de sa vie. Il a un lourd secret d’enfance qu’il me confie. C’était la fameuse information que je devais l’aider à « accoucher ».
Alors les événements s’accélèrent. Khalid me demande de suivre toutes les opérations de son association, de rencontrer des jeunes de quartier, des boxeurs, de visiter des cités, d’assister à des entraînements, des galas. Une nouvelle fois, je fais un grand « nettoyage » des objets qui m’entourent. Emmaüs emporte ce qui restait encore de mon ancienne vie. Je touche assez de droits d’auteur pour pouvoir m’arrêter quelques années de travailler. Je décide donc de passer de l’autre côté du miroir.
C’est pour moi, pendant trois ans, une exploration d’un univers à l’opposé du mien. Je noue des amitiés avec les jeunes des quartiers. Je déménage même à Meaux pour m’installer au plus près d’eux. Ce voyage dans les mondes bien réels de la société d’aujourd’hui me permet de réaliser une union avec mon opposé, avec mon « ombre », comme dirait Jung. Et j’atteins ainsi une forme de plénitude.
Peu à peu, je comprends à quel point l’univers des cités enferme ceux qui y habitent, crée une désespérance permanente, modèle le comportement, le psychisme même de ces jeunes qui n’ont rien connu d’autre. Je mesure toute la responsabilité que nous avons dans la dégradation sociale de notre pays. Et si, au fond, le dérèglement climatique n’avait pas d’autre origine que notre choix délibéré d’une société tournée vers l’argent et indifférente au sort des hommes ?
L’expérience est très douloureuse. Au point que je finis par me sentir moi-même en danger d’enfermement.
Je décide en 1996 de retourner à Paris et de reprendre mon métier de scénariste. Mais le cœur n’y est plus. Il me faut me reconstruire autrement, en quête de nouvelles unions avec les opposés. En 2000, j’entre dans un institut de formation professionnelle dont je vais devenir directeur de la communication et responsable pédagogique. Cinq ans plus tard, je m’installe en libéral comme conseiller en communication et je finis par revenir m’installer à Meaux, pour vivre à côté des cités et des boxeurs. La boucle est bouclée, mais je suis devenu quelqu’un d’autre.
Aujourd’hui, je me lance dans le récit de ces dix années étonnantes, pour réconcilier en moi toutes ces vies que j’ai vécues — dans cette vie et dans les autres — et qui m’ont fait ce que je suis.