Mon goût pour la photographie apparaît très tôt, dès l’âge de huit ans. Et mon premier appareil photo est un modèle très populaire à l’époque, le Kodak Starlet. Il a été mis sur le marché en 1957 et je l’achète en 1959. Le format des images est de 4x4 cm.
Le Kodak Starlet de 1957.
C’est avec ce superbe appareil, très simple de fonctionnement, que je réalise mes premières photos dans le cadre familial.
Ma famille s’est toujours intéressée à l’image. Mon grand-père maternel filmait avec une caméra 9mm, mon père avait lui une caméra 8mm Eumig.
Caméra C3 8mm utilisée par mon père.
Et j’ai découvert récemment que mon grand-oncle Marc Puissant, mort à la guerre de 14-18, était lui aussi passionné de photographie.
En 1967, j’abandonne le Starlet et je fais un grand saut en passant du format 4x4 au format 24x36 avec l’achat du Yashika Minister III.
C’est une petite merveille financièrement accessible qui va m’accompagner pendant pas mal d’années, jusqu’à la fin des années 70, époque à laquelle j’achète une petite bombe, le Minolta srt 303b, mon premier appareil à objectifs interchangeables !
Une nouvelle ère s’ouvre pour moi, dans ma pratique photographique et dans ma vie aussi. En 1981, je commence le théâtre et l’appareil me permet de photographier nos répétitions, nos spectacles. Et quand en 1983 je deviens responsable de production à la télévision, je l’utilise pour photographier les tournages.
Le cinéma aussi...
Ma caméra Super-8 Bauer.
Durant toutes ces années, je n’ai pas fait que de la photographie, très tôt je me suis intéressé au super 8mm et j’ai réalisé pas mal de petites fictions ou de reportages avec une caméra Bauer. Je les sonorisais avec des disques de bruitage et de la musique, et ce n’était pas une mince affaire ! Il fallait coucher une mince piste magnétique sur le côté de la pellicule et s’acheter un projecteur (en l’occurrence un Eumig), pour enregistrer le son. Tous ceux qui n’ont pas connu cette époque et font des vidéos avec leur smartphone ne peuvent imaginer la galère que nous avons connue !
Tournage de Sylvie et Bruno avec des amis : à droite, le Benoît, à gauche, au volant de la Méhari, le Bruno.
Destruction massive
Et puis en 1990, je traverse un grand moment de remise en question qui me pousse à détruire tout ce qui peut me rappeler mon passé. Je remplis donc des sacs poubelle avec des kilomètres de pellicules, de négatifs, et des centaines de diapositives. Je ne regrette rien de cette phase de destruction. À l’époque je suis convaincu que la photographie vient concurrencer notre mémoire pour les souvenirs anciens. J’ai en effet remarqué que, de mon passé, je ne me rappelle que les moments qui ont été filmés ou photographiés.
Je décide donc que, désormais, je n’utiliserai que ma mémoire pour enregistrer mes souvenirs...
Et la boxe arrive
Mais après cette grande destruction, je commence à mener une nouvelle vie. Et dans ce nouveau cadre, je suis amené à m’intéresser à la boxe en 1993. Je suis entré dans l’association Sport Insertion Jeunes, et il faut des photos pour rendre compte des activités sportives. Je ressors donc mon appareil, toujours le Yashica srt 303b, mais je l’équipe du zoom basique de l’époque, un 35-135mm.
Plus question pour moi de recommencer à enregistrer des souvenirs personnels ou familiaux. En revanche, utiliser la photographie dans un cadre associatif, pour faire des reportages sur les activités, sur les compétitions et réaliser des portraits de boxeurs pour les affiches de leurs galas, pourquoi pas ?
Sydney Gassama. Un de mes premiers portraits de boxeurs.
C’est le début d’une grande aventure photographique !
Combat de Gérald Garros en avril 1994. Une de mes premières photos de compétition.
En septembre 1994, je m’installe à Meaux, dans une ancienne boutique, juste derrière la salle d’entraînement de l’association Sport Insertion Jeunes ! Au rez-de-chaussée, j’aménage un studio, et c’est dans ce studio que je vais réaliser des portraits de boxeurs.
Aziz Ben Abbi. Un de mes premiers portraits de boxeurs réalisé dans mon studio de Meaux en septembre 1994.
Je m’équipe d’un matériel (fonds, système d’accroche des fonds, projecteurs et pieds de projecteurs) qui ne vont plus me quitter par la suite malgré mes déménagements. Le lieu lui-même est aménagé de telle sorte que je puisse reconstituer différentes ambiances. Il y a ainsi un "coin vestiaires".
Heddy Belghacem. Un coin du studio est aménagé en décor de vestiaires.
En 1996 je retourne à Paris et je m’éloigne un peu du monde de la boxe. Mon activité photographique fléchit. C’est pourtant en 2000 que je décide de m’acheter un réflex entièrement automatique, le Minolta Dynax 505si dont je vais finalement peu me servir.
Le Minolta Dynax 505b.
C’est pourtant avec lui que je ferai mes premiers portraits de body-builders. Un ami boxeur qui pratique assidûment la musculation me présente le champion du monde Frantz Hamousin avec lequel je réalise une première série de portraits.
Mes premiers portraits de Frantz Hamousin dans sa salle à Ozoir-la-Ferrière.
Cet ami me présentera par la suite d’autres body-builders : Amouzou Anani, Haffia Mangaya... Je commence ainsi à me spécialiser dans le portrait de sportifs.
Et le numérique inonde la photo
Puis arrive le numérique. Les débuts de cette technique sont assez difficiles : faible dimension des capteurs, réactivité d’escargot. Impossible de réaliser des portraits avec ces premiers appareils, qui peuvent tout juste faire office de bloc-note. Je ne m’habitue pas non plus au viseur électronique. Je me sens incapable de réaliser un portrait sans voir le modèle "en direct". Il y a une alchimie particulière dans ce regard direct qui fait qu’instinctivement, je vais déclencher au bon moment.
Au temps de l’argentique, j’avais très peu de déchet. Chaque photo était réellement travaillée, soignée, préméditée, avant de déclencher. Avec le numérique, la photo devient un peu une loterie.
Les années passent, je ne réalise plus de portraits et je guette la sortie d’un appareil qui pourrait enfin combler mon attente pour un prix raisonnable. C’est alors que Konica rachète Minolta et sort une pure merveille, le Konica-Minolta Dimage A2. Ce n’est pas un réflex (ils sont inabordables), mais il a tout. Un viseur enfin confortable, et orientable ! Un écran lui-même orientable, un bon zoom, une excellente qualité optique, et j’en passe ! Konica a décidé de frapper fort !
Konica-Minolta Dimage A2.
Je l’achète en avril 2004 et il va marquer un tournant dans ma pratique photographique. Sa qualité est telle que je peux l’utiliser pour réaliser des portraits dans un cadre professionnel, à l’Institut François Bocquet (portrait des collaborateurs et des personnes que j’interviewe) et ensuite pour Any d’Avray (interview de clients, prise de vue des techniques dans les boutiques, etc...).
Et la boxe revient dans ma vie
En 2005, je me réinstalle à Meaux après quelques années passées à Fontainebleau. Je suis devenu conseiller en communication indépendant et la photographie accompagne désormais mon activité professionnelle. Je réalise des clichés pour mes différents clients, le plus souvent pour illustrer leur site Internet ou leurs plaquettes.
Et en 2007, je sympathise avec la nouvelle génération des boxeurs de Meaux. J’accompagne Ludovic Millet, Mohamed Galaoui, Rachid Bantla et Fatima Adib dans un gala, le 14 juillet 2007 à Birmingham. En septembre de la même année, après leurs vacances, je convie les quatre boxeurs à un shooting dans le studio que j’ai réaménagé chez moi.
Ludovic Millet.
Ils vont abondamment utiliser ces photos pour leurs affiches de gala. Dans la foulée, je réunis tous ces portraits dans un album iPhoto d’Apple :
Album ’Boxeurs du cms Meaux’.
Je me rapproche du club de boxe de Meaux, animé par Bébert Hamouri, et je réalise chaque année des portraits des boxeurs qui s’y entraînent. Ils illustrent les affiches des galas que le club organise. Parallèlement, je recommence à photographier des compétitions.
En 2005, Any d’Avray m’emmène en Chine pour photographier la fabrication de ses perruques dans les usines spécialisées. C’est pour moi, qui ai très rarement dépassé les frontières de la France, le début d’une exploration du monde ! J’enchaîne l’année prochaine avec l’Afrique du Sud... Une belle occasion de faire des photos. Je ne résiste pas à la tentation...
Afrique du Sud. Réserve Kruger. 2006.
Parallèlement, je me lance dans la photographie d’art. Je reproduis les œuvres que je vois dans des expositions, notamment à l’Espace Art et Liberté de Charenton.
Exposition à l’Espace Art et Liberté.
Puis Sony rachète Konica-Minolta et sort un reflex numérique, le Sony A 700, qui me paraît intéressant car c’est enfin un réflex d’un prix abordable et il a un viseur optique. Je l’achète en 2009 et Je retrouve ainsi le plaisir que j’avais avec l’argentique en regardant directement mes modèles. Cerise sur le gâteau, Sony permet la compatibilité avec les objectifs numériques de Minolta. C’est ce qui explique que je vais ensuite rester fidèle à Sony car je dispose d’un zoom 75-300mm pour 24x36 Minolta qui est une pure merveille et que j’utilise encore pour mes portraits..!
Sony A700.
Le graffiti envahit ma vie !
En 2014, deux événements vont bouleverser ma pratique photographique. Tout d’abord, je découvre l’univers du graffiti. Je commence à photographier des murs ! Pour cette pratique un peu particulière, j’utilise un plus petit appareil, un Sony SLT-A33. L’avantage, il est discret, et en plus les objectifs sont compatibles. Et je m’équipe d’un objectif très grand-angle, un 8-16 mm, pour pouvoir photographier des fresques très larges et m’approcher des murs en évitant la végétation et les voitures. Lire à ce sujet mon article Photographier le graffiti.
Une de mes premières photos de graffiti, la cité Bonneuil à Meaux en 2014.
Pour être encore plus discret et léger, j’utilise aussi un petit compact Sony, le HX90, qui a un très bel objectif Zeiss. Il est idéal pour les expositions notamment, quand on ne veut pas sortir ses gros cailloux...
Et en 2014, un autre événement se produit, ma rencontre avec le mannequin Asae Lyas. Je l’avais connu quelques années auparavant au club de boxe de Villiers-sur-Marne et en décembre 2014, il m’invite à son premier combat de catch ! Voilà une nouvelle activité. Je réalise ses portraits de catcheurs ainsi que ceux de son ami Senza Volto.
Senza Volto.
Asae Lyas, de son côté, abandonne le catch et développe une carrière de mannequin. C’est le début d’une grande aventure. Nous réalisons de très nombreux portraits en studio à Meaux ou en extérieur : Fontainebleau, Sceaux, Le Havre, Trouville, etc... C’est une expérience très enrichissante car Asae est très exigeant sur la qualité. Il travaille avec des photographes professionnels et veut retrouver avec moi le même niveau de qualité.
Asae Lyas photographié à Trouville.
En 2017, j’abandonne mon Sony A700 et je m’équipe du Sony A7II, la Rolls des APS-C de Sony. Je reviens ainsi au viseur électronique, mais je reconnais qu’ils ont fait des progrès considérables et ne gâchent plus le plaisir du portrait.
Le Sony A 77 II.
Mon activité photographique se partage donc maintenant entre les portraits de sportifs et les graffitis. Je continue aussi à réaliser des prises de vue dans le cadre professionnel.
Pour le graffiti j’utilise deux appareils. S’il s’agit de faire des gros plans des graffeurs à l’œuvre, en restant à distance pour ne pas les gêner, j’utilise le bridge RX10 III de Sony. Il est doté d’un zoom Zeiss incroyable qui passe de 24 à 600 mm ! Extraordinaire pour faire des plans serrés.
Le bridge Sony RX10 III.
En revanche, pour photographier les graffitis eux-mêmes qui sont souvent très larges, ou très haut, et dans des endroits où l’on n’a pas toujours le recul nécessaire, j’utilise l’hybride Sony a7 II avec monté dessus un Samyang 14mm 2.8. Ce très grand angle est intéressant car il n’occasionne pratiquement aucune déformation et il est net d’un bord à l’autre. La qualité d’ensemble est excellente.
Samyang 14mm 2.8 FE monté sur le Sony a7 II
Pour les portraits, j’utilise soit le RX 10 III en extérieur pour de jolis flous arrière, soit le a7 II avec le zoom Zeiss 24-70 mm monté dessus pour le studio.
Pourquoi photographier ?
J’évite aujourd’hui de photographier juste pour réaliser des photos souvenirs. À la suite de ma destruction massive de 1990, je préfère laisser ma mémoire garder les souvenirs. La photographie est donc devenue pour moi une activité à la fois plus journalistique et plus créative. Elle me permet de rendre compte des événements auxquels j’assiste, dans la boxe ou le graffiti, et aussi de créer des portraits dits "artistiques". Avec les boxeurs, j’ai voulu dédramatiser le sport. Les photographes réalisent souvent des portraits très durs des boxeurs, avec des visages déformés, boursouflés... Au contraire, j’ai voulu montrer la beauté de ces sportifs, les sublimer.
Même démarche dans le domaine du graffiti. On montre souvent les graffeurs en vandales, se cachant le visage, courant le long des voies de chemin de fer... C’est une réalité mais j’utilise la photographie pour en montrer une autre : des artistes d’aujourd’hui qui prennent leur pied en graffant ensemble et réalisent de belles œuvres pour le bonheur du plus grand nombre dans un esprit convivial et festif.
Ma photographie a donc un aspect "militant", qui passe par l’esthétique et le caractère apaisé de mes images. J’espère ainsi lutter contre les préjugés dont sont souvent victimes ceux que je photographie.
Asae Lyas, un modèle d’aujourd’hui, photographié avec les techniques d’aujourd’hui, et tenant le vieux Rolleicord de mon grand-père.